Construction et évolution de la chapelle des pénitents blancs au cours de l’époque moderne
Histoire des pénitents blancs de L’Isle-sur-la-Sorgue et de leurs chapelles (mi-XVIe siècle-XIXe s) Isabelle Rava-Cordier : Direction du Patrimoine de L’Isle-sur-la-Sorgue
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Les confréries de pénitents sont des associations religieuses de laïcs qui, pour faire pénitence de leurs fautes, s’imposent certaines pratiques, comme d’ensevelir les morts, de suivre les processions, de chanter les offices, de pratiquer la discipline et des exercices de piété, etc. Placées sous l’autorité de l’évêque, elles ont des statuts et des règles, des chapelles qui leur sont propres. Les pénitents de chaque confrérie portent une tenue ayant une couleur spécifique à laquelle ils doivent leur nom. Ainsi existe-t-il des confréries de pénitents blancs, bleus, noirs, verts, violets, rouges4.
La dévotion des pénitents était centrée autour du mystère de la Passion et le mystère de l’Eucharistie. Les titres portés par les confréries en témoignent : « confrérie de la Croix », « confrérie des Cinq-Plaies », « confrérie de Notre-Dame de Pitié »5. Entre le début du XVIe siècle et la dernière phase du Concile de Trente (1545-1563), on assiste à un essor des compagnies de pénitents dans la province d’Avignon, et de ce fait dans le diocèse de Cavaillon auquel la ville de L’Isle appartient6. Nombre de ces nouvelles confréries sont abritées par un couvent de frères mendiants qui leur fournissent un emplacement pour construire leur chapelle et qui assurent le service liturgique ainsi que les sacrements7. Suite à la réforme tridentine, les évêques vont exercer un contrôle beaucoup plus strict sur les pénitents (visite des confréries, vérification de leurs comptes, corrections des statuts, etc.)8. Notons toutefois que les confréries de pénitents provençales réussirent à garder une autonomie financière. Elles manifestèrent par ailleurs une résistance aux visites épiscopales et un rejet des statuts uniformisés mis en place dans les années 16509. L’histoire des quatre confréries de pénitents de L’Isle-sur-la-Sorgue (blancs, bleus, noirs et verts), dont celle des battus blancs, reste à faire. Néanmoins, grâce aux recherches de Victorin Laval, médecin militaire qui fut l’un des plus grands érudits locaux de son époque, on dispose d’éléments nous ayant permis de poser les premiers jalons de leur étude10. En effet, ce dernier a dépouillé au début du XXe siècle plusieurs pièces d’archives relatives aux pénitents blancs et bleus notamment. Il a consigné les informations recueillies dans des notes manuscrites conservées pour l’essentiel dans le ms. 5398 de la Bibliothèque Ceccano d’Avignon11. Nous avons enrichi notre corpus de sources sur les battus blancs grâce à des prospections archivistiques et bibliographiques. La confrérie des pénitents blancs, qui avait pour titre « confrérie des Cinq-Plaies » ou « confrérie des Cinq-Plaies de Notre Seigneur Jésus Christ en commémoration de sa passion qu’il a souffert pour la rédemption de l’humain lignage »12, est attestée dès 1545 comme le prouvent des legs faits en sa faveur13. En l’état actuel des recherches, il est impossible d’avancer la date précise de sa fondation14. Elle était désignée également par d’autres noms : confraria disciplinatorum alborum, « confrérie des battus blancs », ou encore « confrérie des disciplinés ». Ces deux dernières dénominations provenaient du fait que les pénitents se frappaient par humilité avec des disciplines. Jusqu’en 1562, la confrérie était installée dans le couvent de l’ordre mendiant des franciscains – dits frères mineurs ou cordeliers –, dans une chapelle qui leur avait été affectée. Le couvent des frères mineurs était alors situé extra muros15. Suite à la destruction de leur couvent décidée par la ville de L’Isle afin de se prémunir des attaques dévastatrices des bandes armées protestantes du baron des Adrets en 156216, les cordeliers comme la confrérie des pénitents blancs durent se réfugier à l’intérieur de la cité17. | |
4 Migne, Jean-Paul, abbé, Nouvelle encyclopédie théologique…, Paris, 1854, t. 50, col. 600-605. 5 Vénard, Marc, « Les confréries de pénitents au XVIe siècle dans la province ecclésiastique d’Avignon », dans Mémoires de Vaucluse, Avignon, Aubanel, 1967, 1er semestre, 6ème série, t. I, p. 65. 6 Ibidem, p. 56. 7 Ibidem, p. 57. 8 Ibidem, p. 58. 9 Fontbonne, Alexis, « Dévotion et institution : Pour une histoire cohérente des confréries en Europe occidentale (XIIe-XVIIIe siècles) », dans Archives de Sciences Sociales des Religions, Paris, éditions de l’EHESS, 2015, n°170, p. 191-208 ; Froeschlé-Chopard, Marie-Hélène, « Les dévotions populaires d’après les visites pastorales : un exemple, le diocèse de Vence au début du XVIIIe siècle », dans Revue d’histoire de l’Église de France, 1974, 60-164, p. 85-100. Ces résistances multiples de la part des pénitents ont été étudiées essentiellement pour la Provence orientale. Il conviendrait de savoir s’il en était de même dans le Comtat. 10 Membre de la Société française d’archéologie, de l’Académie de Vaucluse et de plusieurs autres sociétés savantes, Victorin Laval consacra ses recherches à l’histoire de la médecine, du Comtat Venaissin, et plus particulièrement à celle d’Avignon, de sa ville L’Isle-sur-la-Sorgue et de Velorgues. Pour la biographie de Victorin Laval, voir : Martin, Robert, Romano, Sauveur, Toppin, Jack, Mon vieux L’Isle. L’Écho de Vaucluse, L’Écho de L’Isle et notes du fonds de Victorin Laval, L’Isle-sur-la-Sorgue, Memòri, 2017, p. 11-20. 11 Avignon, Bibliothèque municipale Ceccano, « Fonds Laval », ms. 5398. 12 Avignon, Archives départementales de Vaucluse, 3 E 38/1150, f. 330v (Jean Bertoni, notaire de L’Isle) ; Avignon, Bibliothèque municipale Ceccano, « Fonds Laval », ms. 5398 ; Vénard, Marc, Réforme protestante, réforme catholique dans la province d’Avignon au XVIe siècle, Paris, éditions du Cerf, 1993, p. 184. 13 Vénard, Marc, « Les confréries de pénitents au XVIe siècle dans la province ecclésiastique d’Avignon », dans op. cit., p. 184. 14 Lorsque la confrérie des pénitents blancs fut rétablie en 1816 après avoir été supprimée en 1792, elle rédigea de nouveaux statuts et règlement qui furent approuvés en 1866. Il y est écrit en introduction que la confrérie des pénitents blancs de L’Isle aurait été fondée peu de temps après celles des pénitents blancs d’Avignon, aux alentours de l’année 1527, comme en attestent « les quelques registres concernant la dévote Confrérie qui ont échappé à la tourmente révolutionnaire » : cf. Statuts & règlement de la dévote confrérie des pénitents Blancs de la paroisse de l’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), Bar-le-Duc, Typographie L. Guérin, 1866, p. 3. Ces registres n’ont pu être localisés pour l’heure. 15 Avignon, Bibliothèque municipale Ceccano, « Fonds Laval », ms. 5398. 16 L’Isle-sur-la-Sorgue, Archives municipales, BB 5 bis : Délibérations du conseil de la ville de L’Isle (1590-1595) : 30 juin 1591 (f. 68) ; Avignon, Bibliothèque Ceccano, ms. 5399, « Fonds Laval ». L’évêque de Cavaillon, Jean François Bordini, mentionne également ces faits dans son compte rendu du visite pastorale en 1597 : Amiet, Robert, « Etat du diocèse de Cavaillon en 1597 », dans Mémoires de l’Académie de Vaucluse, sixième série, 1975, t. VIII, p. 51- 90. 17 Ibidem. |
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