Le pré-inventaire architectural du Thor : un premier outil de connaissance de l’histoire d’un territoire et de gestion du patrimoine L’origine de l’agglomération du Thor
Nelly Duverger, attachée de conservation du patrimoine, Direction du patrimoine de L’Isle-sur-la-Sorgue
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L’inventaire architectural conduit dans la partie intra-muros de la ville offrait l’occasion d’une réflexion sur l’organisation primitive du parcellaire urbain. À l’intérieur des limites imposées par l’enceinte médiévale se repèrent deux types de parcellaires qui répondent à des principes distincts. Le premier se concentre dans la partie ouest de la ville, où le découpage est influencé par un tracé plus « circulaire », qui résulte de contraintes imposées par une ancienne limite laissée probablement par la muraille d’un castrum primitif. Le second type de parcellaire s’observe principalement dans la partie orientale de la ville. Il paraît s’adapter à deux axes orthonormés reprenant une orientation similaire aux traces de centurations antiques qui perdurent en territoire rural. L’un de direction nord-sud suivrait un tracé rectiligne depuis la rue Gustave Roux jusqu’à celle de la Nassion et l’autre, d’orientation est-ouest, la rue de Verdelin jusqu’à l’entrée du château. Dans cette partie de la ville se remarque un agencement plus orthonormé du tissu urbain, auquel s’adapte parfaitement l’orientation de la collégiale construite vers la fin du XIIe siècle. Une évolution postérieure de la voirie, influencée par l’emprise du rempart médiéval, a pu faire dévier légèrement le tracé de cette ancienne voie jusqu’au niveau de la rue P. Goujon. Lorsque l’on répercute cet axe supposé dans la campagne environnante, il rejoint à l’ouest un tronçon conservé de l’ancien chemin d’Avignon, et à l’est, il mène en direction de Ville-Vieille, un quartier situé à proximité du site de Germignargues et du Castellas. De même, si l’on prolonge l’axe nord-sud en zone périurbaine, celui-ci conduit vers le quartier de la Grange, au lieu de l’ancien cimetière où furent identifiées des sépultures du haut Moyen Âge et les ruines d’une église primitive placée sous le vocable Saint-Pierre-es-Liens 16.
Ces observations conduisent à s’interroger sur la genèse de la cité qui conserverait en filigrane l’empreinte d’une centuration antique. Les découvertes sont trop lacunaires pour envisager que son origine remonte à cette période. En revanche, la permanence de traces dans son tissu urbain suppose peut-être que l’agglomération primitive a réinvesti plus tardivement un site occupé précédemment (villae, vicus, ?), ou du moins inscrit dans un ancien réseau viaire 17. Un manuscrit rédigé à la suite d’un inventaire des archives du seigneur d’Ancèzune, en 1696, évoque au sujet des origines du nom de la cité : « (...) c’est de ce taureau, d’où la ville qui s’appelait autrefois Castelas, ou Germinargues, ou d’un autre nom qui nous est inconnu, a tiré le nom du Thort en langue vulgaire (...) » 18. Indépendamment du sens étymologique que l’auteur énonce, il émet le postulat d’un lien direct entre une ancienne agglomération, potentiellement appelée Castelas ou Germignargues, et la naissance de la cité du Thor. R. Bailly n’écarte pas non plus l’hypothèse d’un transfert de population qui serait venue se grouper à proximité de l’ancienne église paroissiale Saint-Pierre 19. Son emplacement à proximité d’une voie de circulation importante (route de Cavaillon), un vocable issu des premiers temps chrétiens et l’appartenance de l’édifice à l’abbaye de Cluny au XIIIe siècle, lui attribuent les critères majeurs d’une fondation issue des premières phases de développement rural du réseau ecclésial. | |
16 Dans ce même axe, mais en toute proximité du rempart médiéval furent également retrouvées quatre monnaies antiques et une série de tegulae (CARRU (D.)- TALLAH (L.)- Dir. PROVOST (F.).- Le Thor, dans Carte Archéologique de la Gaule 84/4, op. Cit.). 17 En 1960, l’éventualité d’un site gallo-romain à l’emplacement de la ville était évoquée, suite à la découverte de tegulae par P. Broise (CARRU (D.)- TALLAH (L.)/Dir. PROVOST (F.).- Le Thor, dans Carte Archéologique de la Gaule 84/4, op. ci). 18 Archives Départementales de Vaucluse, 2E 9/13. 19 BAILLY (R.).- Le Thor, 9 siècles d’histoire, op. cit. p. 108. |
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