Castellane, la chapelle Saint-Thyrse de Robion (Alpes-de-Haute-Provence) La reconstruction de la nef et du chœur au cours du XIIe siècle
Mathias Dupuis, archéologue
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dossier
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Les murs nord et ouest de la nef, ainsi que l’abside, témoignent donc d’une phase de construction uniforme, mais postérieure à celle du clocher. Ces éléments conservent des dispositions architecturales et décoratives particulièrement originales dans le corpus des édifices romans du sud des Alpes.
En effet, si la nef dispose d’un plan rectangulaire très simple 26, elle présente un système décoratif assez sophistiqué. Tandis que les parois extérieures des murs nord et est sont entièrement nues, leurs parois murales intérieures sont animées par une série d’arcatures aveugles, profondes d’une vingtaine de centimètres, qui retombent alternativement sur des pilastres et des consoles encastrées dans le nu du mur du côté nord ou bien sur ces seules consoles du côté ouest. Les impostes qui surmontent les pilastres, ainsi que les consoles qui reçoivent la retombée des arcs aveugles sont décorées de motifs géométriques sculptés en méplat. Le décor d’arcature conservé sur les murs nord et ouest devait se poursuivre à l’origine sur le mur sud, reconstruit tardivement. Ce système décoratif évoque une technique de raidissement des murs, qui pourrait être destinée à renforcer les maçonneries pour permettre la retombée d’une voûte en berceau. Bien que la restauration de la fin des années 1970 ait effacé toutes les traces archéologiques qui permettrait d’en proposer une restitution précise, l’étude architecturale montre bien que les murs gouttereaux de la nef ont « enregistré » des déformations structurelles dues à la portée exercée par une voûte. L’éclairage de la nef est assuré par une baie en plein-cintre percée au-dessus de l’arcature du mur ouest. Cette ouverture se devine sur les clichés anciens, à l'extérieur du mur, sur lesquels on remarque qu’elle avait été bouchée par une maçonnerie grossière. Son encadrement et son couvrement ont été presque entièrement repris lors des restaurations de 1979. Deux autres fenêtres sont percées au sud, où se situe également la porte d’accès à la nef. Bien que ce mur ait été entièrement reconstruit, ces ouvertures reprennent sans doute plus ou moins les dispositions d’origine, puisque le mur nord est entièrement aveugle et qu’aucune porte ne permet de desservir la nef depuis l’ouest. L’abside présente un plan semi-circulaire légèrement outrepassé. Comme dans la nef, l’intérieur est rythmé par un décor d’arcatures aveugles très simples, formées par une série de cinq arcs en plein-cintre appuyés sur des pilastres nus qui prennent naissance à environ 0,80 m au-dessus du niveau de sol. L’éclairage est assuré par une baie centrale en plein-cintre, à ébrasement simple vers l’extérieur, qui s’ouvre depuis la niche centrale. L’abside est couverte par une voûte en cul-de-four, qui prend naissance au-dessus d’une corniche formée par un cordon simple, dont le tracé est prolongé par deux impostes saillantes, supportant la retombée de l’arc triomphal. La face ouest de l’imposte sud est décorée par un motif ornemental sculpté en méplat. Le système décoratif d’arcatures simples du chœur évoque plusieurs édifices du second art roman provençal (Saint-Blaise de Blauzon à Bollène ; Saint-Trinit), bien datés au cours du XIIe siècle. Le décor d’arcatures de la nef paraît en revanche plus original. Il rappelle le décor de panneaux aveugles qui rythment les parois intérieures de la chapelle Saint-Paul à Saint-Michel-l’Observatoire, datée de la seconde moitié du XIIe siècle 26. Cette attribution chronologique est confirmée par la présence de tailles décoratives et de signes lapidaires alphabétiques, que l’on rencontre en Provence dans des édifices de cette époque. | |
26 8,30 par 3,90 m dans l’œuvre ; 9,65 par 5,40 m hors-œuvre. 27 G. Barruol, Provence Romane 2, La Pierre-qui-Vire, 1977, p. 145-146. |
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